lundi 23 juillet 2012

Fossé.

Doucement, tout doucement, le fossé se creuse. Et nous restons là, sans bouger, les yeux baissés à regarder le sol glisser. Chacun de son côté.

Au début c'est une mince ligne. Un petit remuement de sol imperceptible juste avant. Peut-être.
Le temps qu'une ligne se dessine, puis s'affirme, notre corps se ferme, se replie sur lui-même, s'enroule comme un colimaçon. Un souffle froid sort de la fente qui grandit.
Mes mains se ferment. Je ne te donne plus. Mes yeux regardent au loin et tu n'y es plus. Mes jambes sont lourdes, s'enfoncent dans le sol de mon côté du ravin. Je ne vais plus vers toi. Je reste sur mon ilôt, toi sur le tien, nos mâchoires se crispent, les bouches se tournent vers le bas, colère ou tristesse, un peu des deux, je ne sais pas.

Nous ne savons pas quand la ligne est apparue. Un mur de silence monte de cette craquelure, se construit, brique par brique, nos non-dits le nourrissent. Malgré nos mots vides, les sons que font les bouches, les conversations en phrases mortes, il s'épaissit. Se solidifie. C'est mainenant une vitre et tu es un poisson qui ouvre et ferme sa bouche de l'autre côté. Je n'entends pas ce que tu dis, parce que tu ne dis rien. Tu n'as pas ces mots-là. Je ne bouge pas. J'attends.
Il est trop tard mainenant.
Le froid fige les mots qui dorment en toi.
Je me rigidifie. Mon coeur est un raisin sec.
On se regarde une dernière fois, de part et d'autre de notre continent, la mer se déchaîne entre nous, ...pour nous ? et à ce moment, fermant les yeux, nous disparaissons l'un à l'autre.
(Silence.)

jeudi 19 juillet 2012

mercredi 18 juillet 2012

Le Renargou

En voiture. En plein jour.
J'allais vers St-Pascal et voilà que je vois le petit renard. Il trottine sur le côté de la route, dans la section "piste cyclable". Ah ! C'est très prudent, maître renard ! Il s'en va probablement se croquer un petit lapin chez le remorqueur-éleveur de lapins, de l'autre côté de la route.
Mais petit renard, tu es si maigrichon ! Sa queue est dégarnie et raplapla. Ses pattes sont fines, on dirait des bâtons recouverts de fourrure. Son poil est terne et cotoneux. Pourquoi ne dors-tu pas au soleil, sous un beau sapinage, petit renargou ? Il est dévoré par sa propre faim. On dirait un junkie qui a besoin de son fix. Ou d'un renard affamé qui a la gueule ouverte et dégoulinante de bave à l'idée du lapineau qu'il va bouffer... Ses yeux sont fixes. Il n'a pas peur des humains.
Il crève de faim.
Et va tuer un lapin.
C'est aussi ça la vie, non ? Des carnivores qui ne dorment pas. Qui dévorent des lapins au poil doux et soyeux. Et des renards qui meurent au bord de la route par une chaude journée. Fallait regarder de chaque côté avant de traverser petit renard.

mardi 17 juillet 2012

mon ami François Lebeau

Je fais la promotion de mon ami François Lebeau qui est un être sensible, stimulant et magnifique !
Il est photographe. Il vit présentement à New York. (Il me manque.)
Il a fait un travail sur moi :
http://www.therightmoment.wordpress.com/
(Mais regardez surtout son travail photographique !)

Je lui ai demandé, quelques jours avant ma dernière chirurgie, de m'accompagner pendant la période d'hospitalisation. J'avais besoin de ses yeux pour me voir.
Par ce processus, je pouvais faire une mise à distance. Je joue avec moi, avec mon corps malade en le mettant en images. Je morcelle le drame et il existe au-delà de mon corps.
C'est une façon pour moi de ne pas me faire bouffer par les souvenirs qui ne sont que sensations, ressentis, douleurs et mémoires subjectives. Avec François et son 3e oeil magique, je peux me voir. Je peux sortir de mon corps et le regarder, comme on regarde une autre personne. Je ne suis pas submergée par l'expérience du corps malade. Je me la réapproprie.
Merci François.

lundi 16 juillet 2012

RESURRECTION !

J'écris parce que ça m'emplit tout en me vidant.

J'ai envie d'être du côté de la vie. Laisser de côté mon corps de fille-Frankenstein qui patauge dans le Monde de la Maladie et ouvrir sur cet autre truc bizarre qui habite ma tête.
Je continue donc mon blog, tout en lui assignant un nouveau mandat. (On dirait le descriptif d'une compression de poste au gouvernement !)

...Bienvenue à bord !

Je vous donnerai maintenant des chroniques vraies ou fictives, des contes étranges, des petits morceaux poétiques comme des sucres à croquer, des cris et des dessins.
Mon noyau, ma moelle, mon os.
Dévorez-moi.

dimanche 1 juillet 2012

Maman.

Juste avant de clore les aventures de Amé-la-Chauve-souris-brun-foncé, parce que le ciel est beau à en gémir ce soir et parce que je reviens doucement du côté des vivants (et que je voudrais qu'on me laisse tranquille pour vivre ce bout-là, renaître et se (re)connaître ça exige un peu de silence et d'espace...) bref, pour tout ça, je ferai un dernier monologue avant de quitter la scène.
Théâtre de la maladie.
Je veux changer de personnage. J'en ai marre de jouer à crever. J'en ai ras-le-pompom d'éplucher mes peaux, de perdre des morceaux de corps, de rejouer sans cesse le même petit drame, de rester emprisonnée dans mon putain de costume mal ajusté même quand la représentation est finie. "T'es sauvée Amé, lève-toi et marche, whatever, décrisse, dégage, the show is over, tu crèves pas à la fin, tout le monde aime les fins qui finissent bien. Pousse-toi pis fais comme si t'étais normale !"
-Oui mais je n'arrive pas à enlever ce suit-là, à retrouver mon autre corps, en-dedans ou ailleurs, dans vos yeux peut-être ?!
-Ah non. Tu gardes le costume. Tu l'enlèves, tu meurs.
-Tumeur !!! HA HA HA ! (Je sais, j'ai un humour de mauvais goût.)

Mon dernier morceau de texte dans le cadre de ce gros OSTI DE SHOW que je vous ai mis en scène est pour ma Maman.
Un dernier merci. L'ultime.
Après, les rideaux se ferment et le clown est triste.
Mais avant de terminer, finissons-en !

"Maman !"
Le premier mot que je dis post-op, de retour aux soins intensifs, après chacune de mes chirurgies, c'est Maman ! Parce que c'est toi qui entre en premier, chaque fois, qui me prend la main, ah Maman ! ta petite main froide, ta peau que je reconnais juste à la texture, Maman, tu me prends toute entière dans ta main, mon corps qui meurs tellement souvent, ma douleur, ma joie, mon coeur, et qui me dis "Maman est là, Maman est là." Je souris pour que tu ne t'inquiètes pas, même si j'ai des tubes qui sortent de partout et la tête enflée et déformée, je ne veux pas que tu t'inquiètes M'man, je ne veux pas te faire de peine avec mon corps qui fait mal et mes rêves qui décrissent. Je te souris. Je fais une blague pour que tu souris.
Chaque matin, dans ma jaquette bleu ciel, j'attends que tu arrives. J'écoute le couloir. J'attends tes pas, le son de ton corps qui vient vers moi, ton enfant brisée, j'attends à coups de prises de sang et d'injections. Quand tu arrives, je peux dormir, j'ai moins mal. Je sais que tu es là quand je me réveille. "Maman est là." Chambre de la maladie. Tu changes mes draps. Tachés même lorsqu'ils sont propres. On ouvre les stores. Tu m'aides à m'asseoir. À mettre des bas chauds. J'ai 21, 22, 30 et 32 ans et tu m'aides à m'habiller, à me laver, à marcher. Combien de fois tu vas devoir refaire ces gestes-là M'man ?! Tu m'aides à marcher comme si ce n'étais pas grave, encore, avec tellement d'amour que ça me fais mal dans la poitrine quand j'y pense. Qu'est-ce que je te fais traverser Maman, merde ?! Tu me regardes avec tes beaux grands yeux noisettes, bordés de millions de grands cils (...que t'aurais pu me donner à moi ou Myl ! Mais non ! C'est Sam qui a hérité de tes yeux de biche !!!) et je sais alors que je vais y arriver, que je vais encore traverser tout ça. Tu partages ma souffrance, mon petit désespoir de bébé-lala, mes deuils. Tu regardes ton premier bébé se démener pour rester en vie et tu as cette force, cet amour qui me tiens, qui me garde du côté de la lumière. Tu m'as portée tant de fois Maman, trop pour un seul enfant. Une fois né, il faut arrêter de recommencer de revenir au monde.
J'aurais voulu dire quelque chose de simple et de lumineux et voilà que je te ponds un texte mouillé et mélo.
J'essaie de te dire MERCi Maman. D'être là. De ton amour infini de Maman au coeur tendre et guérisseur. De ta confiance dans la vie. De mettre ta vie en suspens et de tout lâcher pour passer tes journée avec ton enfant (encore !) malade. De rester et de me tenir la main même quand je dis que je n'ai pas besoin de toi. De m'aimer comme une Maman, comme je ne saurai jamais aimer.
Merci Maman.
Je te dois la vie, toutes mes vies en fait, et je veux que tu saches que tu es un humain magnifique. Et qu'au final, au seuil de la mort, (ou sur une civière avant une chirurgie au cerveau !) tout ce qui compte, c'est l'amour. Et tu es pour moi un exemple et une voie sur ce chemin-là.

Je t'aime Maman.


Amé se retire.
Fin du dernier acte.
Rideaux.

p.s. Maman, va chercher tes lunettes !

p.p.s. Je suis d'une reconnaissance infinie pour mon mari, mon Papou, mon frère, ma soeur et ma grand-maman (...) aussi. Je vous remercie et vous aime de tout mon coeur... Mais je voulais décerner "l'Étoile du Match" à Maman !